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L’UNITÉ DES PHÉNOMÈNES CÉRÉBRAUX

le rythme de chaque mouvement évolue selon les mêmes lois, quoique chaque mouvement différent soit animé d’un rythme différent.

La musicalité de la vue.

Cette intellectualité de la vue pourrait être appelée la musicalité de la vue, car les combinaisons des rythmes superposés forment un des éléments essentiels, primordiaux, de la musique, et l’oreille habituée à les analyser semble, dans la perception de la divisibilité du temps, plus intellectuelle que l’œil. Il est vrai que, dans la nature, la plupart des mouvements non seulement se voient, mais s’entendent aussi ; mais ces rythmes dans lesquels la tonalité tient une si faible place, sont décolorés pour l’oreille, comme le serait pour l’œil une nature grise éclairée par une lumière blanche. L’oreille saisit moins bien ces rythmes en grisailles et pourtant, dans le bruissement des feuilles, les différences de durée des mouvements doivent être mieux perçues par l’oreille que par l’œil. Dans la perception de ces genres de rapports, il est vrai, nous sentons bien que l’identification de l’audition et de la vue n’existe pas, puisqu’un sens perçoit plus vite que l’autre. Les perceptions des deux sens sont comme séparées par une cloison : quand l’œil voit déjà, l’oreille n’entend pas encore.

Il y a, du reste, dans le mécanisme de nos sens, une telle simultanéité de rythmes divers que la capacité de ramener à l’unité de temps toutes les vitesses évoluant simultanément dans les mouvements perçus en dehors de nous est compréhensible, puisque