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LE TOUCHER MUSICAL

l’emblème de l’humanité bornée dans ses actes, dont chaque individu, dans le déplacement de son propre corps, donne une image : il fait un pas, pour recommencer et faire un autre pas et ainsi de suite.

Ces fractionnements uniformes, dont elle ne voit que le caractère le plus superficiel, le plus apparent, l’humanité les adapte volontiers à ses appréciations générales sur la marche des choses, sans voir que cette marche est fausse en principe, qu’elle ne s’adapte qu’à nos ressources limitées de déplacement.

On pourrait, il est vrai, dire que les révolutions des astres sont des pas qui recommencent : que les printemps, les automnes, les hivers aussi sont pour les végétations qui naissent, meurent, renaissent pour mourir encore, comme des pas qui recommencent.

Mais dans ces révolutions, dans ces renouvellements et ces dépérissements, nous voyons des changements continus ; nous voyons l’évolution, tandis que dans nos pas, nous ne distinguons que leur mesure. Il est vrai que, si nous marchons automatiquement, chacun de nous ayant néanmoins son équilibre particulier dont est formée l’allure générale de sa démarche, le rythme n’est pas exclu des mouvements de la marche ; mais ces finesses échappent au regard : c’est le caractère dominant de la régularité qui nous impressionne surtout. Et c’est en quelque sorte cette régularité d’intervalles (les différences de durée mises à part) qu’on retrouve dans les mouvements des pianistes, lorsque leur jeu est mécanisé : ce qui permettrait de dire, malgré le