Page:Jacob - Souvenirs d’un révolté.djvu/49

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de l’automobile, plus violent que les autres, me jeta violemment sur le gendarme. Instinctivement, j’avançais la main pour me cramponner et, le revolver échappé de ma main tomba sur le couvercle d’un panier d’osier où j’étais appuyé, puis, par ricochet, il dégringola sur la route…

Je ne saurais décrire l’effet moral que me produisit cet accident.

Comme un noyé qui voit subitement disparaître l’épave, la planche de salut, qu’il cherchait d’atteindre depuis des heures en luttant contre la fureur des flots. Je demeurai abattu, consterné, démoralisé. Quelques minutes après, lorsque l’équilibre moral se rétablit dans mon cerveau, il n’était plus temps d’agir. Nous arrivions à Pont-Rémy.

L’automobile n’eut pas plutôt franchi la barrière du passage à niveau que le murmure de la foule vint me lécher les oreilles. Les « Hue ! Ah ! Ha ! Hou ! » s’entrechoquaient pareils à des projectiles se rencontrant dans leur trajectoire.

Ils étaient là, maintenus en respect par plusieurs gendarmes à pieds et à cheval, quelques centaines de pauvres bougres, mâles et femelles, au corps décharné, au visage hâve, vrais têtes de naufragés claquant les dents de faim, ruisselants de misère, se faisant des gorges chaudes de mon arrestation.

— On le tient le bandit !

— Hou ! Le brigand !

— C’est-y lui ? Oh oui, c’est lui ! C’est bien lui.

Ils ne m’avaient jamais vu !…

Les plus hardis s’approchèrent tout près de la voiture, me montrant les poings.

— Tu y es ? Hé ! Canaille !…

Pauvres diables !

Je n’eus pas le temps de mettre le pied à terre que je fus pris, empoigné, enchaîné, fouillé et entouré d’au moins huit gendarmes. Aussitôt quelques témoins, parmi lesquels se trouvaient Nacavant et son collègue Ruffier, vinrent me dévisager en plein air, au milieu de la place, en face de la gare ; puis on me dirigea vers l’auberge où le matin, moi, mes camarades et Nacavant, avions pris le café. Après avoir monté quelques marches d’un escalier étroit, nous arrivâmes dans une chambre très exiguë où le brigadier Auquier était couché sur un lit, entouré de sa femme et de quelques personnes. Il me reconnut formellement.