qui ouvre sa soupape de sûreté, la foule criait : « À mort ! À la guillotine !… »
Tout en réfléchissant au contraste des réceptions et à leurs causes, je roulai une cigarette, puis voyant que Pélissard ne fumait pas :
— Désirez-vous faire comme moi ? Lui dis-je.
— Volontiers, me répondit-il en prenant le tabac que je lui offrais.
Au moment où il me le redonnait la porte s’ouvrit toute grande pour laisser passage à un petit homme. C’était M. le substitut du procureur de la République !
Il vint droit dans ma direction, se posa devant moi, me regarda insolemment, le chapeau sur la tête, la main passé dans sa pelisse, la tête de trois quarts dans une attitude napoléonienne, et, comme je demeurai couvert :
— On se découvre devant moi, me dit-il avec emphase.
Je le toisai avec mépris, puis haussant les épaules :
— Moi, je ne me découvre pas.
— Insolent.
— Moins que vous.
Il se dressa de toute sa hauteur, c’est-à-dire de quelques centimètres, et déchargea sur moi un regard foudroyant capable d’assommer un mammouth ; mais il dut me manquer car je ne bronchai pas.
Il partit.
Si cela ne fait pas pitié ! « On se découvre devant moi ! » Pécaïre !
La plupart du temps, c’est né là-bas, bien loin, au fin fond de la campagne. Papa et maman se sont saignés jusqu’à la dernière goutte en l’envoyant faire son droit dans quelque faculté, pour que leur « petiot » soit un jour un monsieur. À défaut d’intelligence, c’est opiniâtre, ça réussit à décrocher ses inscriptions ! Pour le diplôme.
Un beau jour, le plus beau de leur vie puisqu’il est le résultat de tous leurs sacrifices, les pauvres vieux reçoivent un numéro de l’Officiel où le nom de leur petiot, souligné et encadré à grand renfort de traits de crayon bleu et rouge, est écrit en toutes lettres dans la colonne réservée aux mouvements judiciaires.
Victoire ! Grâce au système hydraulique, à un coup de piston, leur fils est nommé substitut dans quelque parquet de troisième classe. Enfin ! Leur plus fervent désir