Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’instant que vous ouvrez généreusement le porte-monnaie, l’Annamite est d’une tolérance illimitée pour les vices des autres. Il comprend à ce point de vue la liberté la plus large.

Le collégien indigène. — Je termine en signalant une dernière catégorie de jeunes amateurs à peu près inconnue dans l’ancienne Cochinchine. Ce sont les élèves du grand collège Français de Saïgon et des écoles Françaises de l’intérieur.

Du temps des mandarins, les jeunes gens qui recevaient une éducation au-dessus de la moyenne pouvaient concourir, par des examens publics, à l’obtention d’emplois de lettrés. Aujourd’hui, après leur avoir donné les éléments d’une bien petite instruction primaire, quand ils savent parler un Français passable, qu’ils écrivent tant bien que mal le Français et l’Annamite en cog-gnu (caractères phonétiques), qu’ils possèdent les quatre règles de l’arithmétique, avec quelques bribes d’histoire et de géographie, on les plante là à dix-sept ou dix-huit ans, sans leur offrir la moindre place. Les plus intelligents deviennent interprètes de la justice. Les autres errent sur le pavé à la recherche d’une position sociale, comme Jérôme Paturot. Il faut cependant vivre. Le soir, comme Diogène, mais sans lanterne, ils cherchent un homme. Le manque de lanterne et le changement de costume les différencient seulement de l’ancien boy, et ils manquent de sens moral comme lui ; ils sont capables des mêmes turpitudes.

Ils se promènent dans les quartiers des maisons de prostitution indigènes, prêts à vous servir de cornacs, d’interprètes, d’aides et de compères au besoin. Ils vous vantent la qualité de la marchandise et font connaître vos habitudes et vos caprices, le tout à des prix honnêtes et modérés.