Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/183

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devant le Conseil, c’était cinq ans de double chaîne, deuxième tarif aussi immuable que le premier. Toujours le sourire aux lèvres en prononçant l’application de la peine, sans doute ce bon capitaine B*** pensait à la petite chansonnette grivoise de la soirée. Mais, c’était surtout dans les questions d’attentats aux mœurs, si communs chez les transportés, que le caractère jovial et grivois du Président se montrait au grand jour. Il les étudiait avec le plus vif intérêt, cherchant à faire ressortir dans les débats le côté croustillant de l’affaire et lançant, en pleine audience, des jeux de mots à dérider un mort. Le public, le bon Pandore qui faisait la police de l’audience, et souvent l’accusé lui même, riaient à se tordre ; et cependant la conclusion finale du jugement était toujours les quarante ans ou les cinq ans, selon le cas de l’accusé.

Les causes grasses du Conseil. — Ce brave B*** avertissait ses amis et connaissances quand une cause un peu grasse devait passer au Conseil. Bien entendu, il ne prononçait jamais le huis clos, pour que ses amies les jeunes Mulâtresses et Quarteronnes pussent jouir du spectacle. De taille moyenne, un peu obèse, au visage coloré, encadré par une épaisse barbe noire, éclairé par deux petits yeux lascifs, notre président avait l’air d’un satyre. On pouvait tout dire à l’audience avec lui, et il n’était jamais plus heureux que lorsqu’il avait fait prononcer par un témoin, ou par l’accusé, quelque grosse obscénité. Le Tribunal comique de Moinaux se trouvait dépassé de cent coudées. J’avoue que, pour ma part, je suivais avec intérêt les séances extraordinaires de ce tribunal, qui jetait une lumière crue sur les bas-fonds de l’âme humaine. À ce titre, je demande au lecteur la permission de lui mettre sous les yeux le récit de quelques-unes de ces causes, restées célèbres à la Guyane.

La chemise d’Angola S***. — Une de ces causes crous-