Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frénétique. Chacune d’elles à son tour exécutait une figure. Le pas et la musique, lents au début, s’accéléraient bientôt jusqu’au délire, et, quand la danseuse épuisée s’arrêtait brusquement sur un grand coup de tambour, une autre s’élançait à sa place, qui la surpassait en impudeur et en frénésie. Les filles de Pomotou formaient d’autres groupes plus sauvages et rivalisaient avec celles de Tahiti. Coiffées d’extravagantes couronnes de datura, ébouriffées comme des folles, elles dansaient sur un rythme plus saccadé et plus bizarre, mais d’une manière si charmante aussi, que, entre les deux, on ne savait ce que l’on préférait. »

Aujourd’hui, à Papeete, la upa-upa a perdu une partie de son caractère et elle est presque devenue une contrefaçon du chahut de Bullier. Mais elle a conservé dans l’Intérieur son véritable caractère, et voici comment la décrit le voyageur Desfontaines, qui, plus heureux que moi, a pu faire le tour de l’île :


« Après le déjeuner, un certain nombre de jeunes Tahitiennes, couronnées de roses, et les cheveux dénoués, viennent former le cercle sous les arbres et s’assoient à la façon orientale sur la verdure. L’une d’elles est en possession d’un accordéon ; nous allons assister à une upa-upa, sorte de danse lascive accompagnée de chants, dont l’expression originale est d’un si puissant effet. À peine l’accordéon attaque-t-il ses premières notes, que les chants se font entendre, toujours aussi vifs et aussi rapides ; à ce moment, le visage des danseuses, d’un seul coup, semble s’illuminer ; dans leurs yeux, dans leur sourire, passe un je ne sais quoi d’inexprimable, qui les éclaire d’un rayon en quelque sorte divin : elles paraissent ne plus appartenir à la terre. La tête inclinée et légèrement rejetée en arrière, le torse roulant sur lui-même,