Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/372

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femmes devient enceinte, ce qui arrive plus rarement que si chacune habitait avec un seul homme, l’enfant est étouffé au moment de sa naissance, afin qu’il n’embarrasse point le père et qu’il n’interrompe pas la mère dans les plaisirs de son abominable prostitution. Quelquefois il arrive cependant que la mère ressent pour son enfant la tendresse que la nature inspire à tous les animaux pour leur progéniture, et elle surmonte alors, par instinct, la passion qui l’avait entraînée dans cette société. Dans ce cas-là même, on ne lui permet pas de sauver la vie de son enfant, à moins qu’elle ne trouve un homme qui l’adopte comme étant de lui ; elle prévient alors le meurtre, mais l’homme et la femme étant censés, par cet acte, s’être donnés exclusivement l’un à l’autre, ils sont chassés de la communauté, et perdent pour l’avenir tout droit aux privilèges et aux plaisirs des Arrioys.

» Il ne faudrait pas attribuer à un peuple, sur de légères preuves, une pratique si horrible et si étrange ; mais j’en ai d’assez convaincantes pour justifier le récit que je viens de faire. Les Tahitiens, loin de regarder comme un déshonneur d’être agrégés à cette société, en tirent au contraire vanité comme d’une grande distinction. Lorsqu’on nous a indiqué quelques personnes qui étaient membres d’un Arrioy, nous leur avons fait des questions sur cette matière, et nous avons reçu de leur propre bouche les détails que je viens de rapporter. Plusieurs Indiens nous ont avoué qu’ils étaient agrégés à ces exécrables sociétés, et que plusieurs de leurs enfants avaient été mis à mort. »

On voit, par ce qui précède, que depuis longtemps les Tahitiens avaient trouvé la formule de la femme libre dans l’amour libre, réclamée par certains philosophes modernes. Il est raisonnable de supposer que la secte des