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Un autre croupier, ou un amateur important (c’est son droit, s’il le réclame) muni d’une longue baguette en bois, compte les jetons quatre par quatre et les réintègre dans le tas au fur et à mesure. C’est le moment de l’émotion, et pendant ce temps le payeur, troisième croupier, commence un chant monotone : c’est le chant du gain ou de la perte ; il reste à la fin une, deux, trois ou quatre sapèques. Le gagnant gagne alors trois fois sa mise, ce qui donne au banquier quatre chances de gain contre trois de perte.

Cela dure des heures et des heures ; c’est aussi passionnant que la roulette. Le croupier Chinois est si habile, que si l’on a mis un pari important sur un numéro avant l’isolement de la tasse, on peut gager, presque à coup sûr, que le numéro du gros parieur ne sortira pas.

J’ai connu des Européens qui allaient passer tous les soirs des heures entières dans les baquans de Saïgon et de Cho-lon, et qui y perdaient souvent des centaines de piastres. Quelquefois un riche amateur Annamite ou Chinois prend la banque à son compte ; mais il doit partager ses gains avec le véritable banquier.

On coudoie le monde le plus mélangé dans ces établissements. On y trouve surtout le boy qui va jouer l’argent volé au maître, et le cuisinier qui dépense, sur un coup de hasard, l’argent de la popotte, sans parler d’autres individus de mœurs inavouables, qui viennent y tendre l’hameçon de leur immonde commerce.

La passion de l’Opium. — Mais la passion la plus terrible est celle de l’opium, à laquelle l’Européen n’échappera pas lui-même, car j’en puis parler pertinemment par expérience personnelle. Dès leur arrivée en Cochinchine, les Français trouvèrent l’habitude de l’opium déjà introduite par les Chinois.

Le premier gouverneur de la Colonie fit de sa vente