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Page:Jacolliot - Voyage au pays des Brahmes.djvu/170

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voyage au pays des brahmes.

tou et des Gambiers, et je dois déclarer que je n’ai pas rencontré un seul individu qui ne sût lire, écrire et compter convenablement.

Je puis affirmer aussi qu’il y a peu de peuples sur lesquels les préjugés sociaux et la superstition religieuse aient si peu de prise.

Si d’aventure à ce sujet vous consentez à descendre avec eux sur le terrain de la plaisanterie, vous êtes étonné du rare bon sens qui se cache sous les lazzis dont ils criblent certaines de nos coutumes européennes.

Pendant deux ans, j’ai fait une fois par mois le voyage de Taïti à l’île de Mooréa. Je partais en pirogue avec cinq rameurs indigènes, dont l’un tenait la barre et veillait au balancier, nous n’arrivions que le lendemain matin. Je m’asseyais d’ordinaire à côté du barreur, et je le faisais causer. Chaque fois ces conversations me plongeaient dans des rêveries sans fin… et j’arrivais à me demander si nos civilisations, toutes plaquées de lois et de coutumes singulières, d’égoïsme satisfait et d’appétits à satisfaire, de faux respects et de vertus hypocrites, étaient un progrès ou une décadence…

Depuis, je me suis toujours défié des sociologues qui régentent l’humanité comme on professe la gymnastique, et qui donnent à l’homme l’habitude, la conscience du bien et du devoir