des intérêts, si nous ne voulons avant peu n’être plus qu’une tradition historique.
Depuis trois jours nous avions fait de magnifiques étapes, et le soir du troisième, nous arrivions au pied des Gaths, où nous attendait un des plus magnifiques spectacles de ma vie de voyageur. Sur une hauteur de deux mille à deux mille cinq cents mètres, s’échelonnaient une foule de pics couverts de la base au sommet de cette incomparable végétation équatoriale, qui ne laisse pas un seul coin de terre sans le couvrir d’herbes, de fleurs, de lianes ou d’arbres gigantesques, et au milieu de ce fouillis de verdure qui s’étendait à perte de vue devant nous, les derniers rayons du soleil couchant faisaient saillir d’admirables oppositions d’ombres et de clartés. Le feuillage des grands bois se confondait, sous la chute du jour, dans une demi-teinte uniforme incendiée çà et là par des flots de lumière multicolore ; on eût dit des projections de feux affectant toutes les nuances solaires, sur un immense et sombre fond de velours vert. Autour de nous, pas un champ cultivé, pas une rizière, pas une terre à bétel, partout la jungle et la nature vierge, mais la jungle animée par les cris des chacals, les hurlements des fauves, les chants des oiseaux, qui saluaient de leurs cris joyeux l’ap-