Page:Jacquemont - Correspondance inédite de Victor Jacquemont avec sa famille et ses amis, tome 1.djvu/17

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sérieusement à des gens qui avaient le malheur d’être bêtes. « Croyez-vous donc, ajouta-t-il, qu’ils le fassent exprès ? — Je n’en sais rien, » dit Jacquemont d’un ton farouche. Il eût été de l’avis de M. de M…, qui soutenait que le mauvais goût mène au crime.

Je n’ai jamais connu de cœur plus vraiment sensible que celui de Jacquemont. C’était une nature aimante et tendre, mais il apportait autant de soin à cacher ses émotions que d’autres en mettent à dissimuler de mauvais penchants. Dans notre jeunesse, nous avions été choqués de la fausse sensibilité de Rousseau et de ses imitateurs. Il s’était fait une réaction, exagérée, comme c’est l’ordinaire. Nous voulions être forts, et nous nous moquions de la sensiblerie. Peut-être Victor cédait-il involontairement à cette tendance de sa génération. Je crois pourtant que ses dehors d’impassibilité tenaient moins à une mode qu’à une conviction. Il était stoïcien dans toute la force du terme, non par nature, mais par raisonnement, et, s’il ne niait