Page:Jacquemont - Correspondance inédite de Victor Jacquemont avec sa famille et ses amis, tome 1.djvu/222

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froid, quoique je sois devant un grand feu où je brûle mes bottes pour me réchauffer les pieds. L’hiver sera soigné ; soigné trop, vraiment !

À propos de soigné, qui me faisait tant rire quelquefois, comme vous vous le rappelez sans doute, je vous dirai que je passe à Paris pour parler le créole parfaitement bien. C’est un talent tout à fait agréable que j’ai gagné dans mes voyages. Je regrette de ne l’avoir pas cultivé davantage. Mais c’était une grande affaire que de descendre de Marquissant à la ville, parce que Frédéric exigeait de moi un costume trop soigné.

L’herbe est toute jaune dans les champs ; toutes les feuilles des arbres sont tombées ; ils ont l’air d’être morts ; et ils auront ce vilain air jusqu’au mois d’avril. — Jusqu’au mois de mai, nous n’aurons pas d’autres fruits à manger que des pommes et des poires. Elles sont meilleures que celles que nous apportent les Américains ; mais je préfère ces bonnes oranges que vous me peliez le matin avec tant de complaisance ; et les ananas de Jérémie de mademoiselle Augustine ; et ces gros corossols dont je mangeais un tout entier, en y mettant la bouche jusqu’aux oreilles ; et enfin, par-dessus tout, ces petits mangos jaunes et rouges que la charmante Persinette, toujours amoureuse de M. Regnard, je pense, achetait au marché. Je crains que les arbres que j’ai taillés avec Frédéric dans le jardin de Marquissant ne soient chargés de tant de fruits que les branches ne cassent ; il serait peut-être prudent de les soutenir avec de longues perches. Si vous vous