Page:Jacques (Huot) - La tête de mort, 1944.djvu/17

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rue et a continué à courir en criant des paroles inintelligibles.

Le sergent est alors interrompu dans son récit, par le jeune homme qui crie maintenant à tue-tête :

— Elle est là ! La voyez-vous ! Oh ! je veux m’en aller, je veux lui échapper.

Il devenait maintenant plus violent que jamais et se tortillait comme un démon dans l’eau bénite.

Il fallut même qu’Émile Tremblay prêta main-forte aux deux constables et au sergent qui était allé au secours de ses hommes.

L’Inspecteur Durand qui avait écouté les paroles de Frigon et contemplé la scène en silence, tenta de l’interrompre pour demander :

— Écoutez Frigon, de quoi avez-vous donc peur de la sorte ?

Mais l’autre ne paraissait pas entendre et continuait :

— Je la vois. Mais vous êtes donc tous aveugles. C’est épouvantable. Je crois que je vais mourir…

— Mais que voyez-vous comme ça ?

— Elle approche. Regardez, regardez…

L’Inspecteur changea alors de tactique :

— Bien sûr que je la vois Frigon, mais elle ne me fait pas peur.

— Comment vous n’avez pas peur, vous ? Oh ! comme vous êtes chanceux !

— Vous devez être un peu fatigué. C’est l’énervement qui vous fait voir des choses…

— Ce n’est pas la première fois, moi. Mais aujourd’hui elle me suit partout…

— Voulez-vous que je l’envoie… ?

— Vous ne serez pas capable…

— Je vais tirer dessus et la tuer…

Le jeune homme éclata d’un rire désespéré :

— Vous savez bien, monsieur, qu’on ne tue pas les morts.

Les policiers se regardèrent. Ils venaient de comprendre que Frigon devait penser à son frère. Il avait probablement été tellement énervé et impressionné par le spectacle qu’il avait contemplé en entrant chez lui le matin même, que le tableau macabre le hantait maintenant.

Mais Julien Durand voulait tenter encore un effort.

— C’est votre frère que vous voyez, n’est-ce pas ?