Page:Jacques Bainville - Les Dictateurs.djvu/101

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d’un roi absolu comme Frédéric, ce cynisme à peu près constant, cette admiration sans retenue d’une force intelligente, était sans doute assez bien compris de l’époque qui avait produit ces étonnants exemplaires d’humanité politique. Mais on en parlait peu. On ne cherchait pas à comprendre comment, à la suite de Rurik, d’Ivan et de Pierre, Catherine prenait place avant tout dans la lignée des assembleurs de la terre russe, et l’on ne pensait pas que son philosophisme n’était qu’une apparence, un trompe-l’œil. On ne cherchait pas à comprendre que Frédéric II était beaucoup plus un fondateur d’Empire qu’un roi philosophe, et seuls peut-être le savaient en France le roi Louis XV et ses ministres qui, contre le gré de l’opinion, recherchaient l’alliance autrichienne et devinaient la redoutable ascension de la Prusse.

On flattait les princes étrangers proposés à l’admiration des foules d’avoir admirablement compris — c’est le propre des dictatures — la valeur de certains actes et de certains mots de passe. De même qu’il faut parler aujourd’hui des mythes modernes et se servir du langage qu’emploient tous les partis, de même fallait-il alors parler de la raison, déclarer la guerre à la domination de l’Église, arracher le peuple à ses anciennes croyances. Il fallait aussi sacrifier