Page:Jacques Bainville - Les Dictateurs.djvu/204

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donnent. L’armée se débande. Le front attend la paix d’un jour à l’autre. On compte deux millions de déserteurs répandus à travers le pays. Le désordre est à son comble dans Pétersbourg dont les rues sont envahies nuit et jour par une foule compacte et où les meetings succèdent aux meetings.

Cependant, Kerensky toujours malheureux dans ses prophéties, déclare martialement : « Je ne désire qu’une chose, que les bolcheviks viennent. Je les abattrai. Toute la Russie est avec nous. Rien à craindre. » Incapable de faire arrêter la commission militaire, qui travaille fiévreusement à l’Institut Smolny, il se contente de disposer les vingt mille hommes sûrs de la garnison devant les édifices publics.

Mais Trotzky, avec qui Lénine s’est réconcilié et qui est, en fait, le tacticien de l’armée bolchevique, ne songe pas à s’emparer de ces édifices. Qu’en ferait-il ? Bien plus subtil, il a décidé de s’attaquer aux services techniques de l’État : centrales des télégraphes et des téléphones, hôtel des postes, centrale électrique, gares. Depuis une dizaine de jours, il en fait dresser les plans par des équipes de militants déguisés en ouvriers. Trotzky ne juge pas utile la grève générale (les syndicats sont d’ailleurs hésitants et divisés). Le désordre constant de la rue suffit à paralyser la