pitié désenchantée il parla dans l’Ennemi des lois de « l’âme naïve et trop sensible » du prince solitaire, et le montra succombant à la tâche d’accorder son rêve avec la réalité. Maurice Barrès mesura la vanité de cet effort en visitant les fameux châteaux qui en sont les témoins et qui lui parurent dignes d’un banquier parvenu. Toutefois, il voulait faire à Louis II l’aumône de cette formule : « Il ressentit, jusqu’à la démence, la difficulté d’accorder son moi avec le moi général », et il protesta « contre les conditions de la vie réelle ». D’où les amitiés passionnées de Louis II pour certaines grandes individualités grandes, du moins il les croyait telles. D’où encore son horreur de la foule.
Le roi de Bavière et sa vie tourmentée n’ont pas cessé de parler à l’imagination des hommes. Ses châteaux reçoivent toujours des visiteurs. Louis II n’a pas eu tort d’élever des palais où se fixe la curiosité. Sinon, sa cousine, la tragique Élisabeth d’Autriche, eût bien pu effacer son souvenir. Comme la sensibilité de l’Impératrice est plus douloureuse et plus profonde que la sienne ! Et quelle rivale pour notre artiste manqué ! Car la royale mélancolie de cette Wittelsbach eut le don de s’exprimer avec art et avec noblesse, tandis que les épanchements de Louis II on en trouvera plusieurs modèles dans sa bizarre correspondance sentimentale sont de la bien mauvaise littérature. Son bonheur voulut seulement que des noms illustres, des événements historiques fussent mêlés à sa vie. Il a eu Wagner. Il a traversé 1870 et la fin de la vieille Allemagne. C’est pourquoi toute une cour de romanciers et de poètes a pu broder une auréole au Néron bavarois. Louis II a-t-il vu très clair dans les théories wagnériennes ? S’y est-il même intéressé ? C’est bien douteux, mais peu importe. Quant à nous, nous prenons ici l’engagement de ne pas discuter un mot des doctrines qu’a professées l’homme de Bayreuth. Pour dire franchement notre pensée, nous n’avons même aucune espèce d’opinion sur le Drame musical. C’est pourquoi nous raconterons l’histoire de Louis II et de Wagner comme on raconterait Peau d’Âne, en espérant que le lecteur s’y divertira.