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NAPOLÉON

faut rester et se fortifier dans l’île de Lobau, attendre la jonction de l’armée d’Italie et ne repasser sur la rive droite à aucun prix, sinon la retraite ne s’arrêtera plus qu’à Strasbourg, à travers une Allemagne soulevée, les confédérés trahissant, la Prusse, la Russie elle-même, peut-être, se mettant à la poursuite des Français, toute une vision de ce qui sera la réalité de 1813. Ce qu’il ne disait pas, bien qu’il le calculât aussi, c’était ce qu’on penserait à Paris, ce qu’on y pensait déjà. Le salut était de s’accrocher à cette île de Lobau, après tout bien choisie, afin d’en repartir pour une autre bataille qui, celle‑là, serait victorieuse.

Cette victoire, il la faut pour le salut de l’Empire et Napoléon n’exagère rien. Il voit combien tout est près de se retourner contre lui, les forces, les armes qu’on emploiera. C’est déjà un hallali sur le point de sonner. Que de symptômes, depuis ces insurgés obscurs, partisans, chefs de bandes, patriotes et apôtres, le major prussien Schill, l’aubergiste tyrolien Andréas Hofer, jusqu’au chef de l’Église catholique qui ne craint pas de l’excommunier ! Pas plus que les Romains, malgré la présence des troupes françaises, ne craignent d’afficher la bulle d’excommunication sur les murs des trois basiliques.

Cette foudre n’est pas celle dont Napoléon s’émeut. Il en a d’autres à essuyer et, pour lui, toute cette affaire de Rome n’est pas de la religion, c’est de la politique. Avec l’Église, il s’est déjà arrangé et il est convaincu qu’il s’arrangera encore. Mais il n’est pas en état de laisser passer un défi et, dans ce moment même, où tant de regards l’observent, il est condamné aux violences pour avoir l’air de ne rien craindre. L’excommunication a été lancée quelques jours après Essling et Pie VII, qui n’avait fait aucun mystère de ses intentions, n’eût pas hésité, même si le résultat de la bataille eût été favorable à l’empereur. Dans la situation où il se trouve, Napoléon reçoit la sentence comme une injure, et, ce qui est