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CHAPITRE XXII

LE REFLUX ET LA DÉBÂCLE


Comment Bonaparte, qui a toujours connu la fragilité de son pouvoir, n’eût-il pas, au retour de Russie, senti le danger de sa position ? Il a « jeté des ancres ». Aucune n’a tenu. L’alliance russe était la base de la politique et le tsar est devenu un ennemi déterminé. La naissance de son fils devait abolir l’irritante question du successeur, et « Malet a révélé un secret fatal, celui de la faiblesse de la nouvelle dynastie ». On est étonné qu’il pense autant à ce-coup de main, à cette surprise d’une matinée. « Tout Paris ne parle que de ce qui s’est passé en Russie ; il semble n’être frappé que de ce qui vient de se passer à Paris. » Mais les deux vont ensemble. Depuis longtemps, il a prévu le cas de grands revers. Sur un trône mal assuré, il est à la merci d’une défaite, au même point qu’à la veille de Marengo. Il se répète qu’il n’est pas un Bourbon, un roi d’ancienne race, et plus tard il dira : « Si j’eusse été mon petit-fils, j’aurais pu reculer jusqu’aux Pyrénées. » Il pense, quelquefois tout haut, à ceux qu’il regarde comme ses prédécesseurs. Un soir de février 1813, aux Tuileries, causant avec Barante et Fontanes, il nomme Louis XIV avec admiration et envie, « un souverain si grave, ayant un si grand sentiment de sa dignité et de celle de la France, qui, après de belles victoires, sut résister à toute l’Europe ». Toute l’Europe. Qu’arrivera-t-il si Napoléon l’a contre lui ?

Et les choses sont bien pires qu’au moment où il