Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/549

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terloo ne tient pas seulement à la chute d’un homme. Elle signifie, pour les Français, la fin d’un rêve par un dur contact avec le monde extérieur. C’est le principe d’un renoncement et d’un repliement sur eux-mêmes, pour tout dire une humiliation plus cruelle que la bataille, du moins perdue avec honneur et avec éclat.

Napoléon, revenant sans trêve sur les heures funestes du Mont-Saint-Jean, ne se lassait pas non plus d’accuser tout et tout le monde : Grouchy, Ney, Soult, la fatalité. Il savait pourtant qu’à la guerre le hasard, qui ne fait rien réussir, ne suffit pas davantage à rendre compte de l’échec. Il était vaincu en lui-même avant de rencontrer Wellington, et ses soldats l’étaient aussi. La confiance n’était pas dans les esprits, et le souvenir de 1814 pesait sur les cœurs. Cette brève campagne de Belgique, — sept jours, — Carnot l’appelle « une série de fautes indignes du génie de Napoléon ». Ces fautes, que l’on peut compter, elles tiennent toutes à un chef qui n’a pas la foi. Il est trop brutalement réaliste pour croire que les succès recommencent après ce qu’il a vu l'année d’avant à Fontainebleau, après ce qu’il vient de voir encore en France et à Paris. Et la conviction qui lui manque, comment la communiquerait-il à ses troupes et à ses lieutenants ? L’armée est mal en main, et un regain d’enthousiasme, une rage de revanche ne tiennent pas lieu de la discipline abolie. Une distribution de cartouches où le soldat trouve du son au lieu de poudre, fin général, Bourmont, mal rallié, opposant à l’Acte additionnel, qui abandonne son corps au moment de franchir la frontière, c’en est assez pour que le mot de trahison circule. Il est trop facile aussi de compter les manquants, les notables militaires qui n’ont pas rejoint les drapeaux, et ceux, jusqu’à des maréchaux, qui ont suivi à Gand Louis XVIII. D’autres ont porté la cocarde blanche avant de reprendre les trois couleurs, chanté deux fois la palinodie. Ils sont sus-