Page:Jacques Boileau - De l abus des nudites de gorge, Duquesne, 1857.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aprouveroient elles-mêmes leur conduite qui a été condamnée par la première des pécheresses, et qui ajoute évidemment quelque chose à la malignité de la nature corrompue. Mais il faut tacher de les convaincre par leur propre jugement. N’est-il pas vray qu’elles blâmeroient une femme dont les paroles artificieuses porteroient à l’impureté, et qui s’énonceroit d’une maniere si libertine, quoy qu’adroite, qu’elle engageroit dans un amour prophane ceux qui l’entendroient parler ? Comment donc peuvent-elles s’exempter de blâme en montrant leurs bras, leur sein et leurs épaules, puis qu’elles ne peuvent ignorer que ces nuditéz sont beaucoup plus puissantes que les paroles, pour exciter les mouvemens de la concupiscence ? Car qui ne scait que les yeux sont les guides de l’amour, et que c’est par eux qu’il se glisse ordinairement dans nos âmes. Si le démon se sert quelquefois de l’ouye pour séduire la raison, il se sert presque toujours des yeux pour la désarmer et pour enchanter les cœurs. Qui ne sçait que les paroles s’évanouissent dans un instant, et quelque force qu’elles ayent pour nous inspirer des sentimens des honnestes, que la durée leur manque pour les pouvoir graver profondement dans nos esprits. Mais un beau sein nu, et des