Page:Jacques Boileau - De l abus des nudites de gorge, Duquesne, 1857.djvu/64

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elle ne peut souffrir les yeux des autres femmes, elle tremble à la rencontre de ceux des hommes, et elle appréhende d’autant plus ses propres yeux qu’à mesure qu’elle s’habitue à se voir nue elle s’ôte la liberté de pouvoir blâmer avec justice ceux qui se plaisent à voir sa nudité, et de même que les libertins ne font que l’imiter en prenant plaisir à regarder sa gorge découverte, elle imite ensuite les libertins et la regarde comme eux avec sensualité.

XXIV. Je ne doute point que plusieurs d’entre-elles ne me disent qu’elles se connoissent assez pour ne rien craindre de semblable. Mais je leur répondray que celle confiance même qu’elles ont en leur vertu, est une grande disposition à n’être pas longtemps vertueuses. Celle qui n’appréhende pas de perdre son innocence ne se met guères en peine de la conserver ; moins elle y apporte de précaution plus elle court de danger, et plus elle néglige le danger où elle s’expose moins elle est en état d’en sortir avec succéz. Mais comment peuvent-elles croire sans présomption qu’elles ne consentiront à aucune pensée contre la pureté, lorsque par la nudité de leur sein elles travaillent à imprimer des sentimens impurs dans le cœur de plusieurs personnes. On participe toûjours un peu à la faute que l’on fait