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Érèbe, fleuve des enfers. On le prend aussi pour une partie de l’enfer et pour l’enfer même. Il y avait chez les païens un sacerdoce particulier pour les âmes qui étaient dans l’Érèbe.

Ergenna, devin d’Étrurie dans l’antiquité.

Éric au chapeau venteux. On lit dans Hector de Boëce que le roi de Suède Éric ou Henri, surnommé le Chapeau venteux, faisait changer les vents, en tournant son bonnet ou chapeau sur sa tête, pour montrer au démon avec qui il avait fait pacte de quel côté il les voulait ; et le démon était si exact à donner le vent que demandait ; le signal du bonnet, qu’on aurait pu en toute sûreté prendre le couvre-chef royal pour une girouette.

Erichtho, sorcière qui, dans la guerre entre César et Pompée, évoqua un mort lequel prédit toutes les circonstances de la bataille de Pharsale[1].

Erles, esprits ou génies qui donnent la peur en Allemagne. Goethe a fait sur eux une ballade.

Erleursortok, le diable au Groenland. Il est toujours aux aguets, et il se jette sur toute âme qui s’échappe de sa prison mortelle ; habituellement il la dévore, car il a toujours faim.

Erlik ou Erlig. Les Kalmouks croient que tout désastre leur est causé par un mauvais génie nommé Erlik ou le diable, qui, avec son nez en


trompe, flaire les mourants. Dès qu’un malade n’offre plus d’espoir, les guéloungs (leurs prêtres) ont recours à l’expédient du rachat, en présentant à l’Erlik, qui s’obstine à ne pas se montrer, une poupée d’argile comme offrande. Pour conserver la vie d’un kan ou de quelque autre chef important, si l’opiniâtreté de la maladie prouve clairement que l’Erlik est décidé à s’emparer du malade, on cherche parmi ses subordonnés un individu qui, par attachement, soit disposé à se sacrifier pour lui. Des exemples d’un pareil dévouement ne sont pas rares chez les Kalmouks. Celui qui se détermine à sauver des griffes de l’Erlik un chef atteint d’une affection mortelle reçoit le nom, les habillements les plus riches et l’armure complète du malade ; on tâche de lui donner extérieurement la plus grande ressemblance avec lui ; il monte son cheval favori, couvert d’une selle brillante ; et aux sons guerriers de la trompette et d’autres instruments, escorté par le peuple et les guélongs qui font les prières prescrites pour un tel cas, il est conduit autour de l’houroul (temple de l’idole), et puis on le poursuit à grands cris comme un andyne (exclu). L’andyne peut cependant se naturaliser dans un autre oulousse (village) ; il peut même s’y marier ; mais il conserve le nom d’andyne et le transmet à ses enfants. Toutefois cet usage se perd, et on substitue des andynes d’argile ou de farine aux andynes vivants. — Indépendamment de ces artifices, les guéloungs se servent d’autres expédients. Dans le but de satisfaire leur avidité, ils réussissent quelquefois à persuader au malade que son âme s’est déjà séparée du corps, et qu’il faut attribuer aux derniers efforts de sa force vitale ce qui lui reste encore de connaissance et de respiration. Cependant ils lui laissent l’espoir qu’il est possible de réunir son âme à son corps, alors que l’infortuné offre tout ce qu’il possède pour prolonger ses jours. Le guéloung semble faire des efforts pour rappeler l’âme, d’abord en faisant entendre le son d’instruments à vent ; puis il sort de la kibithé (tente), fait des signes à l’âme qui s’enfuit et l’invite en lui criant : « Reviens sur tes pas, si tu ne veux être dévorée par les loups. » Le malade, flottant entre la crainte et l’espérance, demande le résultat de ces efforts, et le guéloung répond : « Tout va bien ; l’âme se montre déjà dans le lointain et semble disposée à revenir. » Il continue ainsi à flatter son malade jusqu’à sa mort ou jusqu’à son rétablissement. Dans ce dernier cas il le félicite de l’heureux retour de son âme ; mais si l’événement est contraire, il assure aux parents du défunt que l’âme était sur le point de revenir, quand le méchant Erlik employa un artifice inattendu qu’il raconte en détail.

Si dans une maladie grave un homme tombe dans le délire et prononce des paroles inintelligibles, les assistants ne manquent pas de croire que l’Erlik le tourmente et veut lui ravir son âme. Alors ils font non-seulement dans la kibithé, mais aussi au dehors, un bruit effroyable ; ceux qui se trouvent auprès du malade s’arment de tout ce qui leur tombe sous les mains, courent de tous les côtés en jetant de grands cris, frappent l’air et s’efforcent de chasser le mauvais génie, encouragés d’ailleurs par l’exemple et les exhortations des guéloungs[2].

Erlik-Khan, prince des enfers ; il a une tête de buffle ornée de cornes et un collier de crânes autour du cou. Quelquefois il prend une tête d’homme, car il en a deux à son usage. Quand il fait l’homme, il tient dans l’une de ses quatre au pays

  1. Wierus, De prœstigiis, lib. II, cap. ix.
  2. Extrait d’un voyage fait en 1832 et 1833 au pays des Kalmouks, par Nésédieff.