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différents curieux, et chacun se faisait un thème selon les billets qui lui étaient échus. Chez les païens, Apollon était appelé Aleuromantis, parce qu’il présidait à cette divination. Il en reste quelques vestiges dans certaines localités, où l’on emploie le son au lieu de farine. C’est une amélioration.

Alexandre le Grand, roi de Macédoine, etc. Il a été le sujet de légendes prodigieuses chez les Orientaux, qui ont sur lui des contes immenses. Ils l’appellent Iskender. Les démonographes disent qu’Aristote lui enseigna la magie ; les cabalistes lui attribuent un livre sur les propriétés des éléments ; les rabbins écrivent qu’il eut un songé qui l’empêcha de maltraiter les Juifs, lorsqu’il voulut entrer en conquérant dans Jérusalem.

 
Alexandre le Grand
Alexandre le Grand
 

La figure d’Alexandre le Grand, gravée en manière de talisman sous certaines influences, passait autrefois pour un excellent préservatif. Dans la famille des Macriens, qui usurpèrent l’empire du temps de Valérien, les hommes portaient toujours sur eux la figure d’Alexandre ; les femmes en ornaient leur coiffure, leurs bracelets, leurs anneaux. Trebellius Pollio dit que cette figure est d’un grand secours dans toutes les circonstances de la vie, si on la porte en or ou en argent… Le peuple d’Antioche pratiquait cette superstition, que saint Jean Chrysostome eut beaucoup de peine à détruire[1].

Alexandre de Paphlagonie, imposteur et charlatan du genre d’Apollonius de Tyane, né au deuxième siècle, en Paphlagonie, dans le bourg d’Abonotique. Ses pauvres parents n’ayant pu lui donner aucune éducation, il profita, pour se pousser dans le monde, de quelques dons qu’il tenait de la nature. Il avait le teint net, l’œil vif, la voix claire, la taille belle, peu de barbe et peu de cheveux, mais un air gracieux et doux. Il s’attacha, presque enfant, à une sorte de magicien qui débitait des philtres pour produire l’affection ou la haine, découvrir les trésors, obtenir les successions, perdre ses ennemis, et autres résultats de ce genre. Cet homme, ayant reconnu dans Alexandre un esprit adroit, l’initia à ses secrets. Après la mort du vieux jongleur, Alexandre se lia avec un certain Cocconas, homme malin, et ils parcoururent ensemble divers pays, étudiant l’art de faire des dupes. Ils rencontrèrent une vieille dame riche, que leurs prétendus secrets charmèrent, et qui les fit voyager à ses dépens depuis la Bithynie jusqu’en Macédoine. — Arrivés en ce pays, ils remarquèrent qu’on y élevait de grands serpents, si familiers qu’ils jouaient avec les enfants sans leur faire de mal ; ils en achetèrent un des plus beaux pour les scènes qu’ils se proposaient de jouer. Ils se rendirent à Abonotique, où les esprits étaient grossiers, et là ils cachèrent des lames de cuivre dans un vieux temple d’Apollon qu’on démolissait, Ils avaient écrit dessus qu’Esculape et son père viendraient bientôt s’établir dans la ville.

Ces lames ayant été trouvées, les habitants se hâtèrent de décerner un temple à ces dieux, et ils en creusèrent les fondements. — Cocconas mourut alors de la morsure d’une vipère. Alexandre se hâta de prendre son rôle, et, se déclarant prophète, il se montra avec une longue chevelure, une robe de pourpre rayée de blanc ; il tenait dans sa main une faux, comme on en donne une à Persée, dont il prétendait descendre du côté de sa mère ; il publiait un oracle qui le disait fils de Podalyre, lequel, à la manière des dieux du paganisme, avait épousé sa mère en secret. Il faisait débiter en même temps une prédiction d’une sibylle qui portait que des bords du Pont-Euxin il viendrait un libérateur d’Ausonie.

Dès qu’il se crut convenablement annoncé, il parut dans Abonotique, où il fut accueilli comme un dieu. Pour soutenir sa dignité, il mâchait la racine d’une certaine herbe qui le faisait écumer, ce que le peuple attribuait à l’enthousiasme divin. Il avait préparé une tête habilement fabriquée, dont les traits représentaient la face d’un homme, avec une bouche qui s’ouvrait et se fermait par un fil caché. Avec cette tête et le serpent apprivoisé qu’il avait acheté en Macédoine, et qu’il cachait soigneusement, il prépara un grand prodige. Il se transporta de nuit à l’endroit où l’on creusait les fondements du temple, et déposa dans une fontaine voisine un œuf d’oie où il avait enfermé un petit serpent qui venait de naître. Le lendemain matin, il se rendit

  1. Voyez les faits merveilleux attribués à Alexandre le Grand dans les Légendes de l’Ancien Testament.