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milieu de la vaste plaine d’eau… pas le moindre vestige. L’étroite chaussée seule était restée intacte, comme pour rendre plus apparente la disparition des bâtiments auxquels elle avait abouti. Cependant on se hasarda, mais ce ne fut que plus d’un mois après, à s’avancer dans le marais ; on risqua quelques pas sur la chaussée. On parvint à son extrémité, et, à la place du castel, on trouva cette effroyable fontaine avec ses eaux tourbillonnantes et sa bouche incessamment béante. Elle reçut et conserva le nom que sa première vue inspira : on l’appela et on l’appelle encore la Fontaine hideuse.

» Ce qu’était, ce que devint le châtelain avec ses serviteurs, nul ne put jamais le savoir. La justice céleste avait puni de grands forfaits, disait-on ; mais on le conjecturait. Ce qu’on savait dans le pays, ce qu’on y croit encore, c’est que chaque année, dans la nuit de la veille de Noël, vers la douzième heure, on entend toujours sortir du fond de cette fontaine des cris, des gémissements et de sinistres éclats de rire. »

Traire par charmes. Voy. Blokula.

Trajan, empereur romain qui, selon Dion Cassius, se trouvant à Antioche lors de ce terrible tremblement de terre qui renversa presque toute la ville, fut sauvé par un démon, lequel se présenta subitement devant lui, le prit entre ses bras, sortit avec lui par une fenêtre et Remporta j hors de la ville.

On a écrit que Trajan ne rebâtit pas la ville d’Italica, où ses ancêtres étaient nés, parce qu’un mathématicien devin lui avait prédit qu’autant cette ville croîtrait en maisons, autant son empire décroîtrait en provinces.

Transmigration des âmes. Plusieurs anciens philosophes, comme Empédocle, Pythagore et Platon, avaient imaginé que les âmes, après la mort, passaient du corps qu’elles venaient de quitter dans un autre corps, afin d’y être purifiées avant de parvenir à l’état de béatitude. Les uns pensaient que ce passage se faisait seulement d’un corps humain dans un autre de même espèce. D’autres soutenaient que certaines âmes entraient dans les corps des animaux et même dans ceux des plantes. Cette transmigration était nommée par les Grecs métempsycose et métensomatose. C’est encore aujourd’hui un des principaux articles de la croyance des Indiens. Ce dogme absurde, enfanté par le panthéisme, leur fait considérer les maux de cette vie, non comme une épreuve utile à la vertu, mais comme la punition des crimes commis dans un autre corps. N’ayant aucun souvenir de ces crimes, leur croyance ne peut servir à leur en faire éviter aucun. Elle leur inspire de l’horreur pour la caste des parias, parce qu’ils supposent que ce sont des hommes qui ont commis des forfaits affreux dans une vie précédente. Elle leur donne plus de charité pour les animaux même nuisibles que pour les hommes, et une aversion invincible pour les Européens, parce qu’ils tuent les animaux. Enfin, la multitude des transmigrations leur fait envisager les récompenses de la vertu dans un si grand éloignement qu’ils n’ont plus le courage de les mériter[1].

Transport des sorcières. Quelques-unes se transportent au sabbat enlevées par les airs, comme Simon le magicien et sans monture ; mais, en France surtout, les sorcières considérables, lorsqu’elles emportaient au sabbat quelque enfant, étaient transportées et ramenées à domicile par un bouc qui voyageait dans le vide comme un oiseau.

 
Sorcière chevauchant à un bouc volant
Sorcière chevauchant à un bouc volant
 

Trasulle. Tibère, étant à Rhodes, voulut satisfaire sa curiosité relativement à l’astrologie judiciaire. Il fit venir l’un après l’autre tous ceux qui se mêlaient de prédire l’avenir ; il les attendait sur une terrasse élevée de sa maison au bord de la mer. Un de ses affranchis, d’une taille haute et d’une force extraordinaire, les lui amenait là à travers les précipices ; et si Tibère reconnaissait que l’astrologue n’était qu’un fourbe, l’affranchi ne manquait pas, à un signal convenu, de le précipiter dans la mer.

Il y avait alors à Rhodes un certain Trasulle, homme habile dans l’astrologie, disait-on, mais incontestablement d’un esprit très-adroit. Il fut conduit comme les autres à ce lieu écarté, assura à Tibère qu’il, serait empereur et lui prédit beaucoup de choses futures. Tibère lui demanda ensuite s’il connaissait ses propres destinées et s’il avait tiré son propre horoscope. Trasulle, qui avait eu quelques soupçons, car il n’avait vu revenir aucun de ses confrères, et qui sentit redoubler ses craintes en considérant le visage de Tibère, l’homme qui l’avait amené et qui ne le quittait point, le lieu élevé où il se trouvait, le précipice qui était à ses pieds, regarda le ciel

  1. Bergier, Dictionnaire de théologie.