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main, il chercha à connaître le sujet qui avait produit cet accident et mis toute la maison dans le trouble. On lui dit que l’inconnu qu’il avait vu entrer et se mettre à table, au grand effroi de la famille, était le père du maître de la maison ; qu’il était mort et enterré depuis dix ans, et qu’en venant ainsi s’asseoir auprès de son fils, il lui avait apporté la mort. Le soldat raconta ces choses à son régiment. On en avertit les officiers généraux, qui donnèrent commission au comte de Cabreras, capitaine d’infanterie, de faire infor­mation de ce fait. Cabréras s’étant transporté sur les lieux avec d’autres officiers, un chirurgien et un auditeur, ils entendirent les dépositions de tous les gens de la maison, qui attestèrent que le revenant n’était autre que le père du maître du logis, et que tout ce que le soldat avait rapporté était exact : ce qui fut aussi affirmé par la plupart des habitants du village. En conséquence, on fit tirer de terre le corps de ce spectre. Son sang était fluide et ses chairs aussi fraîches que celles d’un homme qui vient d’expirer. On lui coupa la tête, après quoi on le remit dans son tombeau. On exhuma ensuite, après d’amples informations, un homme mort depuis plus de trente ans, qui était revenu trois fois dans sa maison à l’heure du repas, et qui avait sucé au cou, la première fois, son propre frère ; la seconde, un de ses fils ; la troisième, un valet de la maison. Tous trois en étaient morts presque sur-le-champ. Quand ce vieux vampire fut déterré, on le trouva, comme le premier, ayant le sang fluide et le corps frais. On lui planta un grand clou dans la tête, et ensuite on le remit dans son tombeau. Le comte de Cabréras fit brûler un troisième vampire, qui était enterré depuis seize ans, et qui avait sucé le sang et causé la mort à deux de ses fils. — Alors enfin le pays fut tranquille[1].

On a vu, dans tout ce qui précède, que généralement, lorsqu’on exhume les vampires, leurs corps paraissent vermeils, souples, bien conservés. Cependant, malgré tous ces indices de vampirisme, on ne procédait pas contre eux sans formes judiciaires. On citait et on entendait les témoins, on examinait les raisons des plaignants, on considérait avec attention les cadavres : si tout annonçait un vampire, on le livrait au bourreau, qui le brûlait. Il arrivait quelquefois que ces spectres paraissaient encore pendant trois ou quatre jours après leur exécution ; cependant leur corps avait été réduit en cendres. Assez souvent on différait d’enterrer pendant six ou sept semaines les corps de certaines personnes suspectes. Lorsqu’ils ne pourrissaient point et que leurs membres demeuraient souples, leur sang fluide, alors on les brûlait. On assurait que les habits de ces défunts se remuaient et changeaient de place sans qu’aucune personne les touchât. L’auteur de la Magia posthuma raconte que l’on voyait à Olmutz, à la fin du dix-septième siècle, un de ces vampires qui, n’étant pas enterré, jetait des pierres aux voisins et molestait extrêmement les habitants.

Dom Calmet rapporte, comme une circonstance particulière, que, dans les villages où l’on est infesté du vampirisme, on va au cimetière, on visite les fosses, on en trouve qui ont deux ou trois, ou plusieurs trous de la grosseur du doigt ; alors on fouille dans ces fosses, et l’on ne manque pas d’y trouver un corps souple et vermeil. Si on coupe la tête de ce cadavre, il sort de ses veines et de ses artères un sang fluide, frais et abondant. Le savant bénédictin demande ensuite si ces trous qu’on remarquait dans la terre qui couvrait les vampires pouvaient contribuer à leur conserver une espèce de vie, de respiration, de végétation, et rendre plus croyable leur retour parmi les vivants ; il pense avec raison que ce sentiment, fondé d’ailleurs sur des faits qui n’ont rien de réellement constaté, n’est ni probable ni digne d’attention.

Le même écrivain cite ailleurs, sur les vampires de Hongrie, une lettre de M. de l’Isle de Saint-Michel, qui demeura longtemps dans les pays infestés, et qui devait en savoir quelque chose. Voici comment M. de l’Isle s’explique là-dessus :

« Une personne se trouve attaquée de langueur, perd l’appétit, maigrit à vue d’œil et, au bout de huit ou dix jours, quelquefois quinze, meurt sans fièvre et sans aucun autre symptôme de maladie que la maigreur et le dessèchement. On dit, en Hongrie, que c’est un vampire qui s’attache à cette personne et lui suce le sang. De ceux qui sont attaqués de cette mélancolie noire, la plupart, ayant l’esprit troublé, croient voir un spectre blanc qui les suit partout, comme l’ombre fait le corps.

» Lorsque nous étions en quartiers d’hiver chez les Valaques, deux cavaliers de la compagnie dont j’étais cornette moururent de cette maladie, et plusieurs autres, qui en étaient attaqués, seraient probablement morts de même, si un caporal de notre compagnie n’avaient guéri les imaginations en exécutant le remède que les gens du pays emploient pour cela. Quoique assez singulier, je ne l’ai jamais lu nulle part. Le voici :

» On choisit un jeune garçon, on le fait monter à poil sur un cheval entier, absolument noir ; on conduit le jeune homme et le cheval au cimetière ; ils se promènent sur toutes les fosses. Celle où l’animal refuse de passer, malgré les coups de cravache qu’on lui délivre, est regardée comme renfermant un vampire. On ouvre cette fosse, et on y trouve un cadavre aussi beau et

  1. D. Calmet déclare qu’il tient ces faits d’un homme grave, qui les tenait de M. le comte de Cabréras.