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––––––Ohé ! de la fenêtre, ohé !
––––––––––C’est vous, la belle,
––––––––––Que j’appelle.
––––––Ohé ! de la fenêtre, ohé !
––––––––––C’est vous que j’appelle.
––––––Rendez-le-moi, mon cœur, cruelle, (bis.)
–––––––Ou du vôtre, par pitié,
––––––––Donnez-moi la moitié.
––––––––––––Ohé !
TOUTES.

Bravo !

GRATIOSO, bas, à Geneviève.

La voilà, cette ballade… Est-ce que vous ne vous en souveniez plus ?

GENEVIÈVE.

Oh ! si… car j’ai beau faire… à cette ballade je pense nuit et jour… Celui qui la chantait, malgré tous ses serments, n’était qu’un infidèle.

GRATIOSO.

Lui !… Je parierais que mon !

GENEVIÈVE.

Tu perdrais… Depuis mon mariage, depuis deux ans, il n’a pas reparu… et, pour ma part, je n’y veux plus songer ; car on m’a dit que c’était un gros péché, quand on était mariée, de penser à un autre qu’à son époux.

GRATIOSO.

Qui est-ce qui a dit ça ?

GENEVIÈVE.

Je n’en sais rien.

GRATIOSO.

Ça doit être un mari trompé… Eh bien ! vous avez tort, madame… car il m’envoie vers vous… pour vous dire… qu’il ne vous a point oubliée… et qu’il veille.

GENEVIÈVE.

Comment ?

GRATIOSO.

Vous êtes entourée de pièges… et de périls… Méfiez-vous.

GENEVIÈVE.

De qui ?

GRATIOSO.

De l’infâme Golo… (On entend dehors résonner les trompettes. Remontant la scène, regardant à gauche.) Votre époux !… adieu… Méfiez-vous. (Il s’éloigne par la gauche.)

GENEVIÈVE.

Qu’est-ce que c’est que ça, Golo ? (Pendant la ritournelle.) Ah ! mon Dieu ! c’est mon époux !… Églantine, ne me quitte pas… Mes amies, restez là.


Scène X.

Les Mêmes, moins GRATIOSO. SIFROID, NARCISSE, Le Corps des Savantes. Toute la Cour de Sifroid.
CHŒUR.

Le voilà, etc,

SIFROID, entrant.

Halte !… assez… Où donc est mon poëte ?

NARCISSE, sortant du cortège.

Seigneur, à votre voix j’accours avec bonheur, Votre voix me maintient dans celle de l’honneur !…

SIFROID.

Ça m’est égal, pour peu que ça ne vous empêche pas de me changer ces chœurs d’entrée et de sortie… C’est toujours la même rengaine.

NARCISSE.

Voulez-vous qu’un choral gracieux, à votre image, Pour quitter le dessert tantôt vous offre hommage ?

SIFROID.

Au fromage, j’y consens… Et maintenant, au plaisir, à l’amour ! (Chantant.)

Au plaisir, à l’amour Ne soyons point rebelles ; Si l’amour a des ailes, Le plaisir n’a qu’un jour !

C’est de mon poëte !… Cré coquin ! qu’est-ce qu’ils m’ont donc donné ?… (Il saute.) On dirait que j’ai mâché de la poésie et avalé le flambeau de Cupidon !… J’éprouve d’étranges hallucinations… mon sang prend dans les veines le galop de Pégase… je vois des horizons pleins de clartés, tandis que Vénus effeuille sur ma tête les roses de l’amour !… (Il saute.) Où est Geneviève ? où est ma femme ?

GENEVIÈVE, qui se trouve entre ses compagnes, parait devant, poussée par elles.

Seigneur, me voici.

SIFROID.

C’est elle ! c’est elle ! (Il frétille.) Une mandoline ! une guitare !… qu’on m’habille en troubadour !… C’est ainsi qu’un amant, le plus tendre des amants !… le plus ardent des amants, le plus amant des ardents !… le plus… mon poëte !… où est mon poëte ?… qu’il invente des mots qui dépeignent ma flamme, ou je lui fais couper la tête… et je la dépose à tes pieds comme témoignage de ma passion !… Geneviève !

GENEVIÈVE.

Seigneur !

SIFROID.

Approche !… sens ma perruque, elle est pleine de parfums ! Les parfums t’incommodent-ils ? non ! mais ils te gênent, ça me suffit… veux-tu que je l’ôte ! Pour toi je sacrifierais toutes les perruques du monde. (Mouvement de frayeur de la part du corps des Savants.) Messieurs, rassurez-vous, je ne dis pas ça pour vous ! (À Geneviève.) Touche mes habits, ils sont en soie !… ces habits te déplaisent ? (Il va pour