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EDMOND JALOUX

élever, comme un viticulteur s’intéresse aux vignes de ses voisins, tout en sachant bien qu’il ne les possédera jamais. Mme Féline, épanouie au soleil de la vanité maternelle, raconta la dernière prouesse de son aînée.

— Figurez-vous, ma chère demoiselle, que l’autre jour, comme Yvonne était enrhumée, je n’ai pas voulu la faire sortir avec moi… C’est presque toujours moi qui la promène, l’après-midi : elle est trop grande, maintenant, pour être avec une bonne… Quand elle a vu que je mettais mon chapeau, elle a commencé à pleurer. Pour la consoler, je lui ai promis des boules de gomme… Elle aime beaucoup les sucreries, cette enfant… Après mon retour, elle a voulu jouer avec les coussins du salon… Je le lui permets d’habitude, à condition qu’elle ne laisse pas tout au milieu… Il faut bien que les enfants s’amusent, quand ils gardent la maison… Mais je ne sais pas ce qu’elle avait, ce jour-là, impossible qu’elle remette de l’ordre. J’ai eu beau la menacer d’une punition, la gronder ; rien n’y a fait. Alors j’ai essayé de la prendre par la douceur, je lui ai dit : « Tu vois, Yvonne, comme tu es méchante, tu m’as demandé des boules de gomme, je te les ai apportées, maintenant, je te prie d’arranger les coussins, et tu me le refuses… » Eh bien, savez-vous ce qu’elle a fait ?

— Si nous le savions, j’ose espérer que tu ne nous le raconterais pas une seconde fois. Tu es encore trop jeune pour radoter, ange pur, interrompit Roger.

— Elle a pris son petit paquet, dans la poche de son tablier, continua tranquillement Mme Féline,