Aller au contenu

Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
LE RESTE EST SILENCE…

un enfant, il me parut d’âge mûr. Il était vêtu avec élégance, portait un pardessus court, très clair, et, d’une main gantée, tenait une canne dont le bec d’aigle m’impressionna. Il avait un lorgnon, une petite moustache noire, courte et rude, l’air désagréable et préoccupé.

— C’est votre gosse, fit-il en me désignant.

— Oui, c’est mon fils. N’est-ce pas qu’il me ressemble ?

Le monsieur fixa sur moi un regard dur, aigu, pénétrant, sans indulgence et sans sympathie, et sans doute le considérai-je, moi, avec une expression interrogatrice et curieuse, stupéfaite et naïve… Ma grâce de bambin gâté, mes grands yeux bleus dans ma figure brune, mon air câlin, mes beaux cheveux noirs, m’attiraient d’ordinaire mille compliments. À mon apparition, tous les visages se faisaient épanouis et bienveillants, j’étais habitué à cette bonhomie générale à laquelle je croyais avoir droit… Mais cette figure-ci demeura sombre et maussade, comme si ma vue lui fût pénible.