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Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/118

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LE RESTE EST SILENCE…

Voici qu’au début de juin, dis-je, mon père rentra un jour, à midi, si pâle, si bouleversé que nous eûmes tous deux, maman et moi, le pressentiment d’un malheur. Il traversa la salle à manger sans rien nous dire, et gagna sa chambre pour changer de veste.

— Qu’est-ce qu’il a, ton père ? me dit maman ; il me paraît bien inquiet…

Mais elle-même avait le visage altéré, et sa voix tremblait un peu. Quand son mari reparut, elle leva les yeux sur lui avec inquiétude.

— Bonjour, Joseph, fit-elle, devant son mutisme obstiné.

— Bonjour, répondit-il sèchement.

Il m’embrassa du bout des lèvres, et nous nous mîmes à table. Mon père se versa un grand verre d’eau et le vida d’un trait, avant d’avoir rien mangé, acte qu’il prohibait toujours sévèrement.

— Qu’as-tu donc à faire cette tête ? questionna enfin ma mère, de plus en plus anxieuse, et si agacée qu’elle en oublia de le voussoyer, ce qu’elle considérait cepen-