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LE RESTE EST SILENCE…

admirable secret que j’étais seul à savoir ! J’étais comme le porteur obscur d’une grande chose : Maman allait revenir !

Mais du temps passait, — ce temps qui me semblait si long, c’étaient quelques minutes, sans doute, et maman ne revenait pas, — peut-être, naïvement la supposais-je derrière la porte, — et madame de Thieulles ne sortait plus du cabinet de papa. Je commençai à m’inquiéter et je quittai ma chambre. Aucun bruit. Je me troublai davantage, et j’allai jusqu’au fond du corridor ; on parlait à voix basse dans la pièce fermée, et, soudain, j’entendis la voix de madame de Thieulles : elle était en même temps douce et mordante, j’en ai encore aux oreilles — depuis tant d’années ! — le timbre singulièrement émouvant :

— Ce n’était qu’un ami, je vous le jure, monsieur, vous pouvez me croire…

À cela, mon père répondit une chose que je n’entendis point, et la belle voix sonore et veloutée de madame de Thieulles reprit :

— Non, vous ne comprendrez jamais