Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/185

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cette émotion abominable, ce goût de cuivre dans la coupe d’or, la pensée que l’on n’est jamais que peu de chose dans la vie de l’être que l’on adore et qui nous adore, et que l’on ne connaît presque rien de celui que l’on aime le mieux, et que l’homme est intransmissible à l’homme, et qu’il n’y a peut-être pas eu au monde deux cœurs qui se soient entièrement compris.

Mais maman voulait changer de robe, et je quittai sa chambre. Au long de l’abominable nuit, j’avais rêvé que, ma mère de retour, ce serait une fête perpétuelle, que toutes les difficultés seraient aplanies et qu’il n’y aurait plus que du bonheur dans la maison…

Et voici que maman était revenue, et mille inquiétudes et mille ennuis vagues flottaient dans l’air, et j’étais triste et vaguement endolori.

Ce qui est advenu est advenu. On n’efface pas le passé. Désormais, dans ma vie, comme dans celle de mon père, il y aurait toujours, toujours, ce souvenir que maman s’en était allée, un jour, et que toute une