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LE RESTE EST SILENCE…

— Où irons-nous, cet après-midi ?

Toute la figure de ma mère se plissa, comme si elle éprouvait une grande fatigue et une profonde lassitude.

— Je ne me sens pas bien aujourd’hui, murmura-t-elle. Je crois que je ferais mieux de ne pas sortir…

— Qu’est-ce qui te prend, Jeanne ? Tu ne veux pas sortir ? Est-ce que tu vas avoir des caprices, toi aussi, comme Léon ?

— Je n’ai pas de caprices, mais je suis souffrante, et je trouve plus sage de garder la maison.

Ma mère parlait d’une voix douce et timide, dont l’accent hésitant m’étonnait un peu. Elle affirmait, en général, ses décisions de façon plus catégorique.

— Qu’est-ce que tu feras ?

— Rien, je me reposerai, je lirai…

— Encore un de ces romans imbéciles qui ne sont bons qu’à te fourrer dans la tête des idées fausses ! fit mon père, qui détestait la lecture et abhorrait qu’on ouvrît un livre.

— Comment savez-vous qu’ils contien-