Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/217

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offrit de demeurer chez lui. Elle accepta simplement. Elle ne se souvenait déjà plus des mauvais moments qu’elle avait passés dans le parc.



La petite May, qui avait dormi dans les fossés et s’était nourrie de fruits dérobés et de racines, qui avait été, dès l’enfance, vendue, prostituée et battue, qui ignorait ce qu’est un toit, ce qu’est une maison, la petite May, la vagabonde, dont la vie avait été un long rêve de misère et de tristesse, de honte et de rancœur, habita le palais le plus opulent et le plus vaste. Elle reposa sous des plafonds à fresques ou à caissons dorés, dans des lits armoriés et enveloppés de courtines de pourpre. Une armée de domestiques lui obéit ; elle mangea des plats étranges et succulents, qui la comblaient de stupeur, elle but d’antiques vins et de vénérables liqueurs, qui lui donnaient des pensées inattendues, des rires sans cause et sans fin. Elle posséda des robes miraculeuses, toutes