Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/228

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Comment cacher la provenance d’une telle blessure ? Il me fallut, lorsque ma maîtresse rentra chez elle, simuler une agression, arrêter son carrosse, avec l’aide de mes valets, la tirer brutalement au dehors et chercher, avec un poignard, la plaie à travers la robe, l’élargir, en taillader les lèvres pour en dénaturer l’origine, cependant que Georgiana, toute pâle et qui avait combiné avec moi ce complot, serrait les dents pour ne pas crier de douleur, et s’évanouissait dans mes bras. Je n’oublierai jamais cette sensation atroce de fouiller du bout d’une lame une chair adorée et que l’on sait déjà saignante, ouverte et douloureuse. Lorsque l’histoire, longtemps tenue secrète, circula dans le monde, il s’ensuivit une réprobation unanime. Je passai pour un être sauvage et inhumain. Et l’on me considérait avec terreur, moi qui, dans toutes les amours, n’apportais qu’une tendresse infinie, une indulgence inlassable et une sympathie complète, immense, pleine de pitié, d’indulgence et de mélancolie. Mais qui aurait pu lire l’histoire véritable de mon âme sous mes froi-