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Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/24

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LE RESTE EST SILENCE…

maman, nous faisions ensemble des dictées et des analyses, tant grammaticales que logiques. Elle m’apprenait un peu d’histoire sainte, d’histoire ancienne et de géographie. Les récits de guerre m’enthousiasmaient surtout, comme ils enthousiasment tous les enfants destinés à devenir des hommes pacifiques. J’admirais follement Alexandre, César et Napoléon, et, pendant près d’un an, je fus fou d’Annibal. Je ne sais trop ce qui termina cette passion : ce fut, je crois, d’apprendre qu’il était borgne. Je ne me pus faire à l’idée d’un conquérant ainsi privé d’un œil, et ce fut de ce jour que data ma grande brouille avec lui. J’étudiais aussi le catéchisme et la mythologie, et je dois avouer que celle-ci me passionnait beaucoup plus que celui-là. Je ne me souvenais pas toujours qu’il y eût trois vertus théologales, mais je n’aurais jamais oublié qu’il y avait trois Grâces.

Mon père blâmait fort que l’on m’enseignât une science aussi inutile et, disait-il, aussi frivole, qui ne me serait d’aucun secours dans la vie. Pourtant, j’ai oublié