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Page:Jaloux - Le triomphe de la frivolité, 1903.djvu/12

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On envoya la jeune femme sur la Côte d’Azur. Là, l’odeur molle qui flottait dans l’air, traînante comme une caresse, le charme des contours et des nuances, dans une lumière qui mêle la douceur à l’éclat, la forme incomparable des heures, au fond d’un jardin éclairé de mimosas en fusion, au pied de collines qui s’abandonnent lascivement au vent du large, devant une mer qui se pare sans cesse de pierreries et déroule ses colliers d’étincelles, tout parut enrayer la maladie, et nous pûmes, dans le secret de notre âme inquiète, formuler en tremblant l’espoir que notre exquise amie nous serait conservée.

À peine mieux, Madame de Pleurre se crut rétablie et revint en toute hâte. Elle se jeta de nouveau avec une énergie désespérée dans les fêtes et dans les fatigues.

Brisée d’insomnie, délabrée par la fièvre, défaite et pâle, elle quittait son lit pour assister à un repas, à une soirée, à un concert ou encore pour rejoindre son amant, Jean Larquier, le musicien en qui semble passer un peu de l’âme de Schumann et de Chopin, et qui l’avait séduite autant par sa brune beauté de créole, que par sa musique désolée, gémissante, tantôt alanguie et tantôt convulsive, effrayante parfois de brutalité sensuelle. Cette passion trop vive achevait Madame de Pleurre, et Larquier, très épris lui-même, ne sut point modérer la violence d’un amour que les circonstances rendaient si dangereux. Plusieurs fois, la nuit, chez des amis communs ou dans un de ces restaurants où l’on soupe à la clarté rose des bougies, aux râles amoureux des violons tziganes, elle s’évanouit entre nos