Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas plus aimable avec Augulanty. Et tout à coup, changement à vue. Hier, je les ai rencontrés ensemble. Elle riait de ce qu’il disait, elle était tout miel. Pourquoi cela ? Certainement, le parti lui va, elle tient à ce mariage. Et c’est ce que je ne comprends pas. Quel intérêt peut-elle y avoir ? Pour une jeune fille sans dot, Caillandre était un joli parti, mais Augulanty ! Un simple professeur sans avenir, l’économe d’un pensionnat qui tombe en quenouille ! Il y a là quelque chose d’obscur…

Mathenot ne comprenait pas plus que lui. Mais ces nouvelles étaient assez graves pour l’inquiéter. La situation se montrait sous un jour de plus en plus fâcheux. Le mariage d’Augulanty et de Virginie ruinait définitivement ses espérances et compromettait l’œuvre morale de l’école Saint-Louis-de-Gonzague. En homme religieux, il redoubla de ferveur dans ses prières et fit même une neuvaine pour obtenir que Dieu éclairât l’abbé Barbaroux sur l’indignité de son économe. Cependant, quelque confiance qu’il eût dans le Seigneur, il ne se reposa pas entièrement sur lui, et il continua d’espionner Augulanty.

À quelque temps de là, M. Bermès, en entrant dans le corridor, fut témoin d’une scène significative qu’il raconta le jeudi suivant à Mathenot. Il avait vu Augulanty arrêter au seuil de la porte Mlle Pioutte et lui dire quelques mots avec son plus mielleux sourire, et Virginie répondre à cette avance avec tant de raideur, de sécheresse et de mépris visible que son interlocuteur en eut le nez fort long et le teint fort échauffé, d’autant plus qu’il venait d’apercevoir, derrière la porte vitrée du tambour, ce bon M. Bermès, avec son regard fureteur, et justement en train de tirer son chapeau devant la jeune fille qui sortait. À ce récit, Mathenot ouvrit la bouche, les yeux, les oreilles, comme s’il n’avait pas assez d’ouvertures pour bien entendre ce qu’on lui disait.

— C’est une querelle d’amoureux ! déclara-t-il, enfin, prononçant au hasard cette phrase qu’il ne comprenait guère.

— Heu ! fit Bermès, je n’en crois rien. J’ai assez l’habitude de ces histoires-là. Ce petit incident n’y ressemble