un trop pauvre sire pour m’épouser, nous allons voir ! Je tiens la mère Pioutte à ma discrétion. Je vais la faire danser ! Ah ! ils veulent la guerre, ils l’auront ! Et nous verrons qui sera le plus fort ! Et si la mère Pioutte me refuse, elle aussi, eh bien, je me vengerai ! L’abbé saura tout. Je lui dirai que sa sœur est une voleuse et son neveu, un libertin. Je connais Barbaroux. Ça ne fera pas long feu. Il les lâchera tous ! Ils tomberont dans la misère. Virginie pourra donner des leçons, si elle veut ! Qu’elle crève de faim ! On l’aura alors pour cent sous ! acheva-t-il, dans un brusque sursaut de sa nature foncièrement basse et brutale, qu’il dissimulait si habilement sous ses dehors mielleux.
Si son caractère se refusait aux formes supérieures de l’amour, il n’en était pas moins assez fougueux pour communiquer à son désir la violence de la passion. Il en éprouvait aussi les haines sourdes, les rancunes impitoyables, et cette sorte de souffrance maladive, qui naît de la vanité blessée et de la sensualité qui se révolte d’être insatisfaite.
Quelques jours plus tard, après sa classe, M. Augulanty rencontra Mme Pioutte, au seuil du jardin, près de la fontaine. Il s’approcha d’elle avec un sourire obséquieux et sollicita humblement la faveur d’un entretien particulier. Elle ouvrit sans répondre la porte du grand salon et entra. Augulanty la suivit. Il eut soin de prendre place dans un fauteuil qui tournait le dos aux fenêtres, tandis que Mme Pioutte s’asseyait inconsidérément en pleine lumière.
La vieille dame, très intriguée par les airs mystérieux de l’économe, et ne comprenant rien à ses façons, attendait avec impatience qu’il lui expliquât le motif de cette entrevue. Mais Augulanty se garda bien d’en venir de suite au fait. Appuyant ses coudes aux bras du meuble, il joignit par les extrémités ses doigts roses et inclina le nez vers eux, en commençant une conversation qui parut à Mme Pioutte souverainement oiseuse.
— Figurez-vous, madame, que nous avons appris, hier, au conseil de M. le directeur, qu’un de nos élèves avait une maîtresse.