XXII
OÙ LE LECTEUR EST PRIÉ DE SE RENDRE
À L’ENTERREMENT DE COMBETTE
— Samoëns, dit l’abbé Barbaroux, apportez-moi donc ce que vous faites là… Non, non, pas ce papier, celui sur lequel vous écriviez maintenant… Oui, celui-là !
Le jeune Samoëns, très rouge, comprenant qu’il ne pouvait dissimuler plus longtemps son fâcheux écrit, se leva et l’offrit, d’un geste aimable, au vieux professeur qui lut à haute voix le vers suivant :
Comme un vol de gerfauts, hors du charnier natal !
— Qu’est-ce que c’est que ça ? grogna l’abbé, en prenant sa voix bourrue.
— Cela ?… Ce sont des vers, déclara Samoëns, avec un mélange de cordialité, de gêne et d’impudence. Les autres élèves, réunis dans la classe, pour élaborer un thème oral, pouffèrent de rire.
— Je le vois bien, s’écria Barbaroux, impatienté, mais de qui sont ces vers-là ?
— De José-Maria de Hérédia, dit pompeusement Samoëns.
— De qui ? répéta le prêtre qui vivait dans la plus parfaite ignorance des lettres françaises de ce siècle, depuis Chateaubriand.
— De Hérédia, de l’Académie française.
Le prestige de l’illustre Compagnie agit aussitôt sur l’abbé. Il se radoucit et déclara :
— Eh bien, Samoëns, vous serez en retenue pour copier des vers en classe…
Puis il lut le sonnet avec attention, inconsciemment séduit par l’extraordinaire sonorité des mots et par tout ce qu’ils contenaient d’idées de conquête, de carnage et