— Est-ce vrai que Félix Augulanty vient ici continuellement ?
— Mais comment donc, ma chère enfant, il est ici à poste fixe !
En voyant pâlir l’inconnue, il se souvint aussitôt du lieu où il avait rencontré cette fine figure hardie et mutine : c’était en compagnie de l’économe, dans les bois de pins, où, le dimanche, il menait lui-même ses passions vieillies, et il se frotta les mains, tout réjoui de l’aubaine.
Émilie Sayaudet, désespérée de la confirmation que ce monsieur respectable donnait aux propos de Mme Ropion, se sentait brisée d’angoisse et de souffrance. Et elle murmurait d’une voix rauque des injures âpres, violentes et grossières à l’adresse du perfide.
— Vous avez de trop jolies lèvres pour parler ainsi, fit M. Bermès, et une figure trop charmante pour vous mettre en colère. Que vous arrive-t-il ?
— Est-ce vrai, s’écria-t-elle, que M. Augulanty va se marier avec Mlle Virginie Pioutte ?
— Hé ! mademoiselle, c’est bien possible, répliqua Bermès, qui se gardait d’apprendre à l’ouvrière le départ de Virginie.
— En avez-vous entendu parler ?
— Cela se chuchote tout au moins.
Émilie Sayaudet éclata en sanglots. Des larmes rondes et pressées descendirent de ses paupières et coulaient sur ses joues mates, tandis que, pour les essuyer, elle cherchait dans sa poche un mouchoir qu’elle n’y trouvait point.
L’aimable Bermès profita de cette circonstance pour emprisonner les bras occupés de la jeune fille, lui enlacer la taille et l’embrasser à pleine bouche, avec des lèvres goulues, qui pressaient les siennes, comme des raisins gonflés d’un sirop enivrant, et qui caressaient longuement ses yeux trempés.
Émilie, d’abord suffoquée par l’étonnement, repoussa enfin le vieillard avec tant de violence qu’il trébucha et faillit tomber.
— En voilà un de vieux saligaud ! s’écria-t-elle. Qu’est-ce que c’est que cette turne-là !