Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Parisien. Elle donna des thés. Elle aimait la société, elle était souvent dehors, vivant de cette vie en même temps agitée et oisive des femmes de Marseille. Elle ne parut pas s’ennuyer. Caillandre ne lui reprochait jamais ses excessives dépenses et admirait tout ce qu’elle faisait. Elle ne le méprisait pas trop et prenait un goût visible à le dominer. C’était s’intéresser à lui.

Ce fut dans cet intérieur que se glissa le digne M. Augulanty. Il vint un jeudi prendre des nouvelles de Mlle Virginie. Il fut galant, très affable, un peu servile. Les gens dont la bonne éducation fut tardive ont de la peine à se montrer aimables sans obséquiosité ni bassesse. Il vanta l’ameublement de Mme Caillandre et l’originalité de son goût. Il lui raconta sur les professeurs de l’école des potins drôles qui amusèrent la jeune femme et qu’il tenait de l’inépuisable Bermès. Il sut plaire à Mme Caillandre, il revint. Il rencontra M. Caillandre et causa avec lui, assez longuement. Il se trouva qu’ils avaient les mêmes goûts, du moins Caillandre le crut. Il estima aussitôt l’économe, qu’il jugea sérieux, sensé, intelligent et de bonne compagnie, grâce à cette loi qui veut que nous admirions quiconque montre à penser ce que nous pensons et à aimer ce que nous aimons, tant de grandeur, de jugement sûr et sain et d’élévation d’esprit, puisqu’il nous ressemble ! Augulanty avait eu le tact de révéler en matière de catholicisme plus d’intolérance que le pape, et en matière d’antisémitisme plus d’ardeur que Caillandre lui-même.

Puisque sa femme tenait à recevoir, Louis vit de bon œil qu’elle aimât la société d’hommes pieux, sérieux et graves, et non celle de ces freluquets qui ne songent qu’à conter fleurettes aux dames. Augulanty fut invité à déjeuner, avec l’abbé Barbaroux, à la fin de juillet, chez ses nouveaux amis qui l’invitèrent ensuite, plusieurs fois, pendant les vacances.

Augulanty et Caillandre devenaient inséparables. L’économe était maintenant assuré de voir fréquemment Virginie chez sa sœur, l’hiver suivant. Il n’ignorait pas tout le bien que Louis et sa femme pensaient de lui et qu’ils ne manqueraient pas de répéter à la