Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/95

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Mais le séminariste reparut aussitôt en lui, il cacha sa joie et s’écria d’un ton pénétré :

— Une maîtresse ! Jamais je ne croirai cela ! Un homme qui communie tous les quinze jours ! Un homme d’une piété exemplaire ! Vous devez vous tromper, monsieur Bermès…

Celui-ci haussa les épaules :

— Permettez-moi de vous dire, l’abbé, que vous vous y entendez à connaître la nature humaine comme moi à être pape… ou sous-pape. Votre digne Augulanty a une maîtresse, je peux vous l’affirmer. — Et une jolie fille, encore ! Brune, mince et grasse en même temps, une belle poitrine… J’en ferais volontiers mes dimanches !

— Oh ! monsieur Bermès !

— Pardon, l’abbé, j’oubliais que vous êtes un rigoriste ! — Cette femme ressemble beaucoup à une personne que j’ai connue à Buda-Pesth, une femme idéale, mon cher, d’une grâce, d’une souplesse !… Elle était blonde, avec des yeux bleus, grands, grands… comme des cuillers. Elle avait une passion pour moi. Elle était mariée à un diplomate, M. Ni…bodovélitch. Elle s’est noyée dans le Danube, peu après mon départ… Pauvre Everhilda !

Bermès allait continuer à dévider le facile écheveau de ses souvenirs, sans doute imaginaires, mais Mathenot l’interrompit. Il se moquait bien d’Everhilda, qu’il envoyait rejoindre les précédents romans de M. Bermès. Il insista :

— Mais enfin, monsieur Bermès, avant de croire une pareille chose de mon confrère M. Augulanty, un homme si édifiant, je voudrais avoir de plus amples renseignements. Une telle accusation ne se jette pas ainsi sans preuves. Hélas ! je sais que la chair est faible… In lombis virius diaboli… Samson a failli devant Dalila, et le Dieu des armées s’est servi de Judith pour châtier Holopherne ! N’importe, vous devez avoir vos raisons pour parler ainsi…

— Hé, l’abbé, vous n’êtes pas obligé de le croire. Qui vous y force ? D’ailleurs, si vous voulez des tuyaux, en voici. La personne en question s’appelle Cayaudet ou Bayaudet, elle est piqueuse de bottines et elle demeure