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LA VOLONTÉ DE CROIRE

La grande loi, la loi sacrée de participation, semble être de celles que Hegel ne peut comprendre. Tout ou rien, là est sa seule théorie. Pour lui, chaque point de l’espace et du temps, chaque sentiment du moi, chaque qualité de l’être clame : « Je suis tout et rien n’existe en dehors de moi ». Ce cri constitue son essence qui doit elle-même trouver sa négation dans un autre acte qui lui donne sa vraie détermination. Ce que cette détermination contient d’affirmatif n’est ainsi que le résidu consécutif à la négation réciproque de deux objets.

Mais pourquoi parler de résidu ? Les chats légendaires de Kilkenny pouvaient laisser un résidu, puisque leur queue n’était jamais dévorée ; mais les chats réels de l’existence telle que Hegel la conçoit dévorent tout et ne laissent rien subsister. Dans leur fureur sans exemple, ils sortent entièrement d’euxmêmes pour pénétrer chez leur adversaire, voire même pour le traverser, iusqu’au moment où ils « retournent sur eux-mêmes », prêts à une nouvelle attaque tout aussi insatiable, mais tout aussi peu concluante que la précédente.

Si j’ai désigné ce tempérament de Hegel sous le nom d’uPptç, si j’ai souligné ses exagérations insolentes, comment pourrais-je caractériser le tempérament qu’il assigne à l’être ? L’homme crée les dieux à son image ; en osant insulter la dcaçooTÙvYi sans tache de l’espace et du temps qui maintiennent aux choses leurs limites, en rejetant cette loi de partage qui, pareille à un chant musical, pareille à l’odeur de l’encens — pour employer l’expression d’Emerson — veille, comme une garde sacrée, à la danse des atomes, il semble que Hegel ne réussisse à prouver que sa propre difformité.

Ceci me conduit à attirer votre attention sur une conséquence erronée que l’idéalisme hégélien tire de