Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/101

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Jamais je n’oublierai la gentillesse, la gaieté avec laquelle il prononça ses mots, ni comment, pour les couronner, il se pencha et m’embrassa. Et ce fut la fin de tout. Je lui rendis son baiser et tandis que je le serrais dans mes bras, il me fallut un effort prodigieux pour ne pas pleurer. Il me rendait compte de sa conduite exactement de la façon qui me permettait le moins de lui en demander davantage, et je ne fis que confirmer mon acquiescement à ses paroles lorsque, ayant jeté un coup d’œil dans la chambre, je lui demandai :

« Alors, vous ne vous étiez pas déshabillé ? »

Je puis dire que, littéralement, à ce moment, il étincela dans la pénombre.

« Pas du tout. Je veillais et je lisais.

— Et quand êtes-vous descendu ?

— À minuit ! Ah ! quand je me mêle d’être mauvais, j’y vais franchement !

— Je vois, je vois. C’est tout à fait charmant. Mais comment pouviez-vous être sûr que je le saurais ?

— Oh ! j’avais tout arrangé avec Flora. »

Ses réponses m’arrivaient avec une prestesse !

« Elle devait se lever et regarder par la fenêtre.

— Et c’est ce qu’elle fit. »

C’était moi qui tombait dans le piège !

« Ainsi, elle vous a tracassée et pour voir ce qu’elle regardait, vous avez regardé aussi — et vous avez vu.

— Tandis que vous, répliquai-je, vous attrapiez la mort à être dehors en pleine nuit. »

Il s’épanouissait tellement devant la réussite de son exploit, qu’il pouvait bien se permettre d’en tomber radieusement d’accord.

« Sans cela, demanda-t-il, aurais-je été aussi méchant que je le désirais ? »

Et après un nouvel embrassement, l’incident, comme notre colloque, furent clos, sur ma reconnaissance formelle de toutes les réserves de sagesse qu’il avait dû amasser pour se permettre une pareille plaisanterie.