Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/185

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— Non. Seulement à… — Mais il secoua la tête d’un air las. — Je ne me rappelle plus leurs noms.

— Y en avait-il donc tant ?

— Non. Quelques-uns seulement. Ceux qui me plaisaient. »

Ceux qui lui plaisaient ? Il me sembla que je planais, non dans la lumière, mais dans une obscurité accrue, et, tout à coup, de ma pitié même pour le pauvre petit, surgit l’affreuse inquiétude de penser qu’il était peut-être innocent. Pour le moment, l’énigme était confuse et sans fond… car s’il était innocent, grand Dieu, qu’étais-je donc, moi ? L’ombre seule d’une telle pensée paralysa et desserra mon étreinte ; je le laissai aller. Avec un profond soupir, il se détourna de moi. Il regarda la fenêtre vide, ce que je souffris sans protester, sachant bien qu’il n’y avait plus rien à craindre de ce côté.

« Et ont-ils répété ce que vous leur aviez dit ? » continuai-je, après un silence.

Il était à une certaine distance de moi, il respirait avec effort et avait de nouveau — mais cette fois sans colère — cet air de quelqu’un qui est séquestré contre son gré. Une fois de plus, — je lui avais déjà vu faire cela, — il contemplait la lumière grise, comme si, de tout ce qui l’avait soutenu jusqu’ici, plus rien ne restait qu’une indicible anxiété.

« Oh ! oui, répondit-il cependant, ils ont dû le répéter. À ceux qui leur plaisaient, à « eux » », ajouta-t-il.

Ceci était moins clair que je ne m’y attendais. Je réfléchis un peu.

« Et… ces choses, parvinrent… ?

— Aux maîtres ? Oh ! oui, répondit-il, très simplement. Mais je ne savais pas qu’ils les répéteraient.

— Les maîtres ? Ils ne l’ont pas fait — ils n’ont jamais rien dit. C’est pour cela que je vous interroge. »

Il tourna vers moi son beau visage fébrile.

« Oui, c’était trop vilain.