Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/23

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II

Je ne me rappelle tout ce commencement que comme une succession de hauts et de bas, un va-et-vient d’émotions diverses, tantôt bien naturelles et tantôt injustifiées. Après le sursaut d’énergie qui m’avait entraînée, en ville, à accepter sa demande, j’eus deux bien mauvais jours à passer ; tous mes doutes s’étaient réveillés, je me sentais sûre d’avoir pris le mauvais parti. Ce fut dans cet état d’esprit que je passai les longues heures du voyage dans une diligence cahotante et mal suspendue qui m’amena à la halte désignée. J’y devais rencontrer une voiture de la maison où je me rendais, et je trouvai, en effet, vers la fin d’un après-midi de juin, un coupé confortable qui m’attendait. En traversant à une telle heure, par un jour radieux, un pays dont la souriante beauté semblait me souhaiter une amicale bienvenue, toute mon énergie me revint et, au tournant de l’avenue, m’inspira un optimisme ailé qui ne pouvait être que la réaction à un bien profond découragement. Je suppose que j’attendais, ou craignais, quelque chose de si lamentable que le spectacle qui m’accueillait était une exquise surprise. Je me rappelle l’excellente impression que me fit la grande façade claire, toutes fenêtres ouvertes, les deux servantes qui guettaient mon arrivée ; je me rappelle la pelouse et les fleurs éclatantes, le crissement des roues sur le gravier, les cimes des arbres qui se rejoignaient et au-dessus