Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— J’étais là, j’ai vu, de mes yeux. J’ai vu qu’elle se rendait parfaitement compte…

— Vous voulez dire de sa présence à lui ?

— Non : de sa présence à elle. »

Je savais bien que mon expression, en parlant, révélait de prodigieux sous-entendus, car je les voyais se réfléchir lentement sur le visage de ma compagne.

« C’était une autre personne, cette fois-ci, mais encore une figure aussi immanquablement vouée au mal et à l’horreur… une femme en noir, pâle et effrayante, et avec une telle expression, un tel visage… de l’autre côté du lac. J’étais là, avec la petite, bien tranquille pour le moment, et puis, elle arriva.

— Elle arriva ? Comment, et d’où cela ?

— De là d’où ils viennent ! Elle apparut tout simplement, et se tint debout, mais pas tout près.

— Et sans s’approcher ?

— Oh ! pour la sensation et l’effet produits, c’était comme si elle eût été aussi près que vous l’êtes. »

Mon amie, cédant à une impulsion singulière, recula d’un pas.

« Est-ce quelqu’un que vous n’avez jamais vu ?

— Non. Jamais. Mais la petite, elle, la connaît. Vous aussi. — Et pour lui prouver que j’avais réfléchi et abouti à une conclusion : — C’est ma devancière, celle qui est morte.

— Miss Jessel ?

— Miss Jessel. Vous ne me croyez pas ? » insistai-je.

Dans sa détresse, elle se tournait de droite et de gauche.

« Comment pouvez-vous en être sûre ? »

Dans l’état où étaient mes nerfs, cette question provoqua chez moi un accès d’impatience.

« Eh bien ! demandez à Flora : elle en est sûre, elle. »

Mais je n’avais pas plus tôt prononcé ces mots, que je me repris vivement.