Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/89

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dans une maison endormie, la rencontre d’un ennemi, d’un aventurier, d’un criminel. Seul, le mortel silence de ce long regard, si proche, que nous fixions l’un sur l’autre, donnait à toute cette horreur, si monstrueuse qu’elle fût, son unique touche de surnaturel. Eussé-je rencontré un assassin à cette heure, et en ce lieu, au moins nous serions-nous parlé. Quelque chose de vivant se serait passé entre nous. Si rien ne s’était passé, l’un, au moins aurait bougé.

Ce moment se prolongea tellement, qu’il s’en fallait de peu que je ne me misse à douter d’être moi-même en vie. Je ne puis exprimer ce qui s’ensuivit qu’en disant que le silence même, — ce qui, en un certain sens, témoigne de mon énergie, — le silence devint l’élément au sein duquel je vis sa forme disparaître. Je la vis se détourner, — comme j’aurais pu voir faire au misérable à qui elle avait appartenu, au reçu d’un ordre, — je la vis, — mes yeux attachés sur le dos ignoble qu’aucune gibbosité n’aurait pu défigurer davantage, — je la vis passer tout le long de l’escalier et gagner l’ombre, dans laquelle le tournant se perdait.