Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/100

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... Nous proposons donc, comme projet d’organisation ouvrière :

1° La Fédération régionale — et bientôt internationale, si possible — des corporations du même métier ;

2° La Fédération locale des sociétés des différents métiers, ou la Commune du travail ;

3° Enfin, la Fédération des Communes par groupes naturels et en toute liberté, de manière à établir autant de Fédérations de Communes que les circonstances l’indiqueront[1].


Le Congrès s’ouvrit le dimanche 1er juin dans la grande salle de la maison d’école d’Olten. Environ quatre-vingts délégués étaient présents. Le groupe le plus nombreux était formé par les représentants du Grütli, société politique nationale suisse ; à leur tête étaient M. Lang, de Borne, président central du Grütli, et M. Bleuler-Hausheer, de Winterthour, conseiller national (c’est-à-dire membre du Parlement suisse). Un autre groupe, de la Suisse allemande, voulait que les corporations ouvrières devinssent en même temps des sociétés politiques. Un troisième groupe, qui avait pour organe le journal la Tagwacht de Zürich, tout en regardant comme indispensable l’action politique de la classe ouvrière et en recommandant à celle-ci de donner ses voix au parti progressiste sous certaines conditions, constatait qu’en Suisse une tactique spéciale était nécessaire ; comme une forte proportion des ouvriers y appartient à des nationalités étrangères, on se trouve en présence de ces deux alternatives : ou bien les corporations ouvrières seront en même temps des associations politiques nationales, et alors les ouvriers étrangers devront en être exclus ; ou bien les corporations ouvrières devront englober dans leur sein tous les ouvriers, y compris les étrangers, et alors elles ne pourront pas être en même temps des sociétés politiques nationales ; c’est cette dernière alternative qui avait paru préférable au groupe de la Tagwacht, et voilà pourquoi on voulait se borner, à Olten, à la création d’une organisation économique, — tout en recommandant aux ouvriers de nationalité suisse de former, à côté des corporations de métier, des associations spécialement politiques.

Notre participation au Congrès d’Olten fut pour nous des plus instructives; elle nous mit, pour la première fois, en contact direct avec les délégués ouvriers de la Suisse allemande et les politiciens plus ou moins socialistes qui les dirigeaient. Aussi je reproduis in-extenso la partie de l’article du Bulletin (numéro du 15 juin 1873) dans laquelle, au retour d’Olten, je retraçai nos impressions :


La soirée du samedi[2] fut employée à une discussion préparatoire, non officielle, entre les délégués déjà arrivés. Cette discussion eut pour les Jurassiens beaucoup d’intérêt, parce qu’elle leur fit voir clairement les idées qui dominaient dans les divers groupes. Du reste, à nos yeux, ce qui a fait la véritable importance du Congrès, ce n’a pas été l’essai plus ou moins informe d’organisation élaboré par ce dernier, mais bien plutôt l’échange d’idées qui a pu, à cette occasion, pour la première fois, dans les conversations familières, s’effectuer entre les représentants du socialisme révolutionnaire et ceux des diverses autres tendances.

Voici, dans toute leur simplicité, quelques-unes des impressions laissées aux Jurassiens par les conversations de cette soirée et des jours suivants.

  1. On peut rapprocher ce projet d’organisation des idées qui avaient déjà été émises en 1869, au Congrès général de l’Internationale à Bâle, sur le même sujet (voir t. Ier, pages 205-206).
  2. Nous nous étions rendus à Olten dès le samedi soir 31 mai, veille du Congrès.